" Puissent les générations qui prendront la relève pour la survie de la France, ne jamais oublier ce qu'elles doivent
"aux Africains qui venaient de loin !" "
Journal de marche du 22ème bataillon de marche nord-africain
18 août 1944, Prov: NARA |
La bataille de Toulon fut la première que l'armée française, à peine débarquée sur les plages de Provence, livra pour la libération de notre pays. Toulon, creuset des troupes coloniales, fut justement délivrée par des soldats d'outremer soutenus par les résistants et les forces alliées.
Sous le drapeau français, s'étaient rassemblés des hommes mais aussi des femmes venus de cinq continents. Ceux que l'on appelait alors des indigènes combattaient côte à côte avec des Français des colonies et des évadés de la France occupée. Près d'un soldat sur deux était un Africain : les tirailleurs maghrébins et noirs constituaient le gros de l'infanterie.
" C'étaient des gens de toutes les couleurs, de toutes religions, de toutes opinions politiques, qui venaient pour libérer la France " se souvient l'ancien ministre Robert-André Vivien qui était l'un d'eux.
À l'initiative de l'Amicale du groupe Marat, une association fondée par des anciens de la Résistance, l'historien Grégoire Georges-Picot a conçu une exposition où les acteurs de la libération, résistants de Provence, soldats des armées française, américaine, britannique, sont les narrateurs de cette histoire, notre histoire.
L'exposition est composée de 110 photographies, 23 dessins, d'une quarantaine de documents de l'époque et de témoignages filmés recueillis auprès d'anciens combattants en France, dans plusieurs pays d'Afrique et en Nouvelle-Calédonie. Elle est le fruit d'un long travail entrepris également en Allemagne, aux Etats-Unis et en Angleterre.
Témoignage de reconnaissance, l'exposition relève en même temps d'une démarche de connaissance. On oublie souvent, lorsque l'on parle d'immigration, que les pères de bien des immigrés d'aujourd'hui furent un jour accueillis en libérateurs.
Cette histoire est une source de réflexion. Car ses acteurs nous parlent aussi de leurs liens avec la France. Peut-être le visiteur se reconnaîtra-t-il dans l'image qu'ils nous en donnent.
19 août 1944. Prov: NARA |
Cette exposition a été réalisée avec le concours financier de
Ministère de la Défense
Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations
Ville de Toulon
Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur
Deux soldats de l'Armée B Prov: ECPAD |
Témoignages
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15 août 1944
" Le décollage eut lieu vers minuit et demi... Je n'oublierai jamais cette nuit où, avant notre départ, l'unité française entraînée avec nous forma une haie d'honneur et se mit à chanter la Marseillaise à notre passage pour l'embarquement. Certains pleuraient: ils venaient d'apprendre qu'ils ne participeraient pas à l'opération. "
Michael Compton - Pathfinder (éclaireur) de la 2nd Independant Parachute Brigade Group britannique
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19 août 1944
" Auparavant pour rien au monde je n'aurais adressé la parole à un Allemand civil ou militaire : cela m'aurait paru une espèce de trahison. Ce sentiment disparut complètement à partir du moment où nous nous trouvâmes, en somme, sur le champ de bataille. Ils pouvaient me tuer, je pouvais, et je ne m'en privais pas, indiquer leur position à qui saurait tirer parti du renseignement. Nous étions à égalité, prêts à faire bon marché chacun de la vie de l'autre. Je m'aperçus que des combattants peuvent se parler et se sourire.
Ainsi quand j'allais " au lait ", j'attendais paisiblement, mon pot à la main, à côté de l'homme de corvée des fusiliers marins, son pot à la main lui aussi. J'étais pieds et tête nus, lui botté et sanglé et le chef couvert d'un casque voilé d'une moustiquaire verte. Quand la distribution commençait, il me cédait son tour avec un sourire et je le remerciais d'une inclination de la tête. "
Suzanne Bidault - Résistante au sein du NAP (Noyautage des Administrations Publiques), Suzanne Bidault fut obligée de fuir de Vichy en mai 1944 pour échapper à l'arrestation. Elle se cacha dans les environs de Hyères jusqu'à la libération.
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23 août 1944
" Cogolin, Grimaud, les Collobrières, Pierrefeu, Cuers, Solliès- Pont, Montrieux, Signes !… Un chemin qu'ils n'oublieront pas de sitôt. Par endroits un monde fou, fou, fou pour les acclamer au passage…
A travers les pinèdes en feu, on arrive à Ollioules que les Allemands viennent de quitter.
L'accueil de la population est délirant… A la section, il y a un camarade du pays, on est allé chercher ses parents, près de quatre ans qu'il ne les a vus… son émotion fait plaisir à voir. Leur ferme est à quatre kilomètres. Lorsqu'ils arrivent et que leur fils se jette dans leurs bras, tout à coup, c'est le silence, on regarde pieusement. "
Robert Dibon - soldat au 4ème régiment de tirailleurs sénégalais
- 23 août 1944
Au bout de l'avenue des routes, dans la banlieue de Toulon, une ambulance arrive.
" La conductrice est une toute jeune fille, Diane de Gasquet. Elle est accompagnée d'un jeune boy scout : s'il a quatorze ans, c'est le bout du monde. Une autre ambulancière, Nicole de Marbot, très jeune elle aussi, a déjà disposé ses brancards. En progressant vers le Pont de Bois, l'aspirant Saskevitch vient d'être tué net. Le lieutenant Durrmeyer enrage :
- " Il faut absolument récupérer le corps. "
Diane l'a entendu. Sans mot dire, elle se place en plein milieu du chemin qui longe la rivière et s'avance lentement, levant bien haut un drapeau de la Croix Rouge. La mitrailleuse allemande lâche une courte rafale dix mètres devant elle : les balles ricochent…
Il arrive alors quelque chose d'extraordinaire : là-bas Diane s'est arrêtée. Lentement, elle tombe à genoux, son drapeau toujours levé et reste là. Bon sang ! Qu'est-ce qu'elle attend ? Un miracle ? Eh bien les miracles, il faut croire que ça n'arrive pas qu'à Lourdes car le tir cesse. La jeune fille se relève, agite encore son emblème et continue d'avancer. Un étonnant silence règne ; chacun retient son souffle…
Diane se retourne et fait un signe. Nicole sa compagne a déjà compris : l'ambulance démarre et se présente sur le chemin. Aidées par le boy scout, les deux silhouettes bleues placent le corps de l'aspirant sur une civière et le hissent sur le véhicule qui repart lentement en marche arrière. A peine la voiture est-elle à l'abri des maisons que les Allemands ouvrent un feu d'enfer. L'entracte est terminé. "
Armand Wassiliev - officier au 3ème régiment de spahis algériens
- 25 août 1944
" Toulon était encore dans un état de stupeur quand nous sommes arrivés... Le matin de notre entrée dans la ville, il n'y avait pratiquement personne dans les rues à l'exception de soldats épuisés. Quelques heures plus tard, les gens ont commencé à sortir de chez eux malgré, de temps à autre, des tirs et des explosions dans différents quartiers, toute la journée... "
Gene Badger - photographe de guerre américain
" Les gens étaient pauvres. Ils n'avaient même pas les chaussures, les babouches, rien que les sabots qui faisaient cling clang cling clang sur les pavés. Les hommes ou les femmes, ils n'avaient pas de chaussures. Ils étaient pauvres et malheureux. Un souvenir... ils ont été accueillants envers nous. Ils ont été contents. Et nous, on était les sauveurs. Les sauveurs ! "
Samuel Ekwé - soldat au 1er régiment de fusiliers marins
Yambou de Tingo. Prov: SHAT |
Bim Chanler était un officier américain détaché auprès de la 1ère division française libre. Son ordonnance, originaire de Haute-Volta, se prénommait Yombie:
" Pour Yombie, j'étais un autre étranger enrôlé de force par les Français. Peu nous importait de savoir si les Allemands allaient gagner ou pas ; nous, nous habitions si loin...
A première vue, l'aspect de Yombie était un peu effrayant. Ses dents de devant étaient taillées en pointe et les cicatrices tribales sur ses joues étaient élaborées. Un jour, il me dit que son village était à trois jours de marche de Koudougou. "Où est-ce?" demandai-je. "Juste à une semaine de marche de Ouagadougou." "Jamais entendu parlé de Ouagadougou". Cette remarque provoqua chez lui un éclat de rire: "Jamais entendu parlé de Ouagadougou? Mais tu es un ignorant! Nous avons un roi et une reine là-bas."
Je lui demandais quel âge il avait. "Quarante" me répondit-il en me tendant son carnet militaire, bien qu'il ne sache ni lire ni écrire. "Non, non, ça, c'est la date à laquelle tu as été appelé sous les drapeaux. Ce que je veux dire, c'est combien d'années se sont passées entre le moment où tu étais un bébé et maintenant?" Nouvel éclat de rire. "Comment je peux savoir? Peut-être ma mère le sait-elle. C'est la question la plus stupide que j'ai jamais entendue. Que je le sache ou non, qu'est-ce que ça change?." Je n'avais rien à répondre. "
" Cette Afrique du Nord, que de sang elle a versé pour la France ! Il faut aller voir les pierres tombales : les goumiers, les tirailleurs, des soldats de toutes sortes, toute l'Afrique du Nord, que ce soient Tunisiens, Algériens ou Marocains sans oublier tous les pieds noirs parce que, les pieds noirs, il y en a beaucoup qui sont tombés. Oui, l'Afrique du Nord a porté haut le drapeau français et de cela je suis fier. "
Alain Mimoun, sous-officier du génie de la 1ère Armée française
Avant de devenir le coureur français le plus titré aux Jeux Olympiques, Alain Mimoun, né en Algérie, fut un de ces soldats qui contribua à la libération de la France en 1944
" C'est le devoir de tous les Français de penser que nous aussi on est là et qu'on a aidé à leur tâche pénible de ces années difficiles qu'ils ont passé contre un régime de massacreurs.
Donc, c'est à eux maintenant de nous aider à devenir des Français. Nous sommes déjà Français sur le papier mais je ne vois pas pourquoi nous ne le serions pas moralement. "
Hamid Ben Merzouga - soldat de la 3ème division d'infanterie algérienne
Bouskri Ben Hamadi, Prov: SHAT |
Les éléments constitutifs de l'exposition
Objets, photographies et documents d'archives
Des musées et des centres d'archives ont sorti de leurs collections des objets, des photographies et des documents pour cette exposition, notamment:
Musée de l'Armée (Paris) National Archives (Washington)
Bundesarchiv (Coblence) Imperial War Museum (Londres)
Services historiques de l'Armée de terre et de la Marine (Vincennes)
Etablissement cinématographique et photographique des armées (Ivry)
Musée des troupes de marine (Fréjus) Musée national de la résistance (Champigny)
Témoignages
Des témoignages ont été recueillis depuis une dizaine d'années en France, en Afrique, en Océanie, aux Etats-Unis et en Allemagne : ce sont les acteurs de cette histoire qui en sont les narrateurs.
Portraits de soldats
Roger Jouanneau-Irriera était un dessinateur qui s'engagea dans l'armée française pendant la guerre. Ses portraits d'officiers et de simples soldats, français, africains, arabes, témoignent de la diversité de cette armée française de la libération.
Films
Une série de films courts seront diffusés dans l'exposition. Ils ont été réalisés à partir de témoignages filmés d'acteurs de cette histoire et d'archives cinématographiques.
Amicale du groupe Marat
Téléphone : 04 90 05 78 51
Adresse internet : amicalemarat@wanadoo.fr
Soldats français |
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